Jour de Noël

Jour de Noël. Dehors une fine neige tombe. On l’espérait. Un Noël sans neige, ce n’est pas vraiment un Noël.

Jour de Noël. Dehors une fine neige tombe. Elle est enfin arrivée. On l’espérait. Un Noël sans neige, ce n’est pas vraiment un Noël. Peu à peu, elle couvre le sol de sa blancheur.

Dans un coin de la pièce, le sapin, qui vient d’être cueilli, semble trop grand pour la pièce. Et il est un peu maigrichon. Mais c’est une belle tradition que celle de sortir dans la forêt qui entoure la maison, de parcourir la colline et de trouver l’arbre le plus beau.

J’ai monté la boite de décorations de la cave. Et une par une je les accroche à l’arbre. Chacune rappelle des souvenirs.

Il y a ce petit cheval de bois avec l’inscription « Baby’s First Christmas ». C’était il y a si longtemps, ce premier Noël. Dans un joli et simple appartement à Montréal. Le petit sapin n’était pas plus grand que Sébastien, ce Noël-là, quand il avait presque un an.

Il y a ces petites maisons en bois, qui ressemble à des maisons de pain d’épices, des pères Noël avec leur bonnet tricoté, de grosses boules finement décorées.

La grosse étoile argent dentelée trône tout en haut du sapin. Elle a fière allure. Il ne reste plus qu’à enrouler l’arbre de ses guirlandes clignotantes.

Tout à côté, dans la cuisine, Sébastien s’active. Il a toujours aimé cuisiner. Et même s’il a travaillé toute la semaine au restaurant, il est heureux de préparer un repas de fête pour nous trois, ce soir.

Cela fait plusieurs heures qu’il travaille. Il y a plein de farine sur le comptoir! Les biscuits de Noël sont déjà dans le four. Cette année, ce sera des biscuits aux pépites de chocolat.

Dans un coin du comptoir, la grosse tarte aux pommes, elle, est déjà prête. Une épaisse couche de pommes, recouverte d’une belle croûte toute dorée, avec ces petits trous d’où sortent encore un fumet de vapeur et des odeurs de cannelle. Ça aussi c’est une tradition, la tarte aux pommes à double couche de pâte, « à l’américaine ».

Avant c’était des tartes à la française, avec une couche de pommes bien ordonnée, tout en rond. Mais ici au Vermont, les traditions américaines ont peu à peu remplacé les traditions françaises. 

Dans un gros chaudron sur la cuisinière, la farce de la dinde repose. C’est une odeur d’oignons et de céleri, qui ont rissolé dans le beurre avec de petits cubes de mie de pain et des épices. Cela fait plus de 30 ans que c’est la même recette. Elle vient de la grand-mère paternelle de Sébastien, du temps de ces Thanksgiving à Chicago, où les traditions polonaises se mêlaient aux traditions américaines. L’odeur de la farce, elle, se mêle aux odeurs de cannelle.

Tout à l’heure, on remplira la dinde de cette belle farce généreuse, avec, en garniture, des morceaux de courge musquée, et on la mettra au four pour quelques heures.

On n’a pas oublié la sauce aux canneberges bien sûr. Le secret de famille : ajouter des poires aux canneberges et au sucre, et quelques clous de girofle. Cela lui donne cette douceur particulière. 

Dans le salon, à côté du sapin, la grande cheminée monte jusqu’au plafond cathédrale. Elle est imposante avec ses grosses pierres de rivière.

Edward s’est occupé du feu qui crépite déjà depuis plusieurs heures. Les flammes éclairent les fauteuils aux gros coussins couleur framboise.

Tout à l’heure, on éteindra toutes les lumières électriques, et il n’y aura plus de la lueur du feu et des 5 chandelles du chandelier en argent au milieu de la table. Lumière vacillante et chaleureuse. Lumière festive. La table sera mise. On aura sorti la vaisselle des grandes occasions.

Pour commencer, des huitres sur un lit de neige, et des bulles de champagne qui sembleront répondre aux vacillations des chandelles. Edward découpera la dinde toute dorée et croustillante.

Les assiettes seront généreuses et multicolores : dinde arrosée d’une belle sauce brune, farce, sauce aux canneberges, purée de courge musquée et haricots verts. On n’aura pas besoin de beaucoup parler, car la vraie fête sera dans l’assiette.

C’était Noël 2017. Il n’y aura plus de Noël au Vermont.

Plus de sapin coupé sur la colline, juste à côté de la maison, plus de grande cheminée de pierre, plus de grande cuisine qui ouvre sur la salle à manger et le salon, pour que la fête soit partout en même temps, quand chacun s’affaire avec excitation aux préparatifs.

Il ne reste plus que quelques petites décorations IKEA en bois, quelques photos et des souvenirs plein la tête.

Mais il va falloir construire d’autres souvenirs… ailleurs. Ce ne sera pas si facile.

La mémoire semble envahie de ces quinze Noël dans un beau chalet au Vermont, un chalet que j’appelais « home ».

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